Grands témoins du XXe siècle : Mgr Pierre Claverie Enregistrer au format PDF

Le maître mot de ma foi est le dialogue
Mardi 25 juin 2019

« Le maître mot de ma foi est le dialogue ». « Le dialogue est une œuvre sans cesse à reprendre ; lui seul permet de désarmer le fanatisme en nous et chez les autres ».
Né le 8 mai 1938 dans le quartier populaire de Bab el-Oued, à Alger, Pierre Claverie a voué son existence au dialogue interreligieux.

Michèle Menguy

Né le 8 mai 1938 dans le quartier populaire de Bab el-Oued, à Alger, Pierre Claverie a voué son existence au dialogue interreligieux.

Dès son enfance, il goûte le contact avec les musulmans. Parti pour ses études en métropole puis à l’Institut dominicain du Caire, il revient en terre algérienne après son ordination en 1965. Il enseigne l’arabe classique, non seulement à des Français, mais aussi à des Algériens musulmans désireux de mieux connaître leur culture et leur langue.
C’est l’heure de l’indépendance, l’heure des espérances et, pour le Père Claverie, de la confiance.

A partir de 1973, il dirige le Centre diocésain d’Alger pour l’étude et la formation linguistique. Il est nommé évêque d’Oran le 21 mai 1981 et consacré le 2 octobre 1981.
Très attaché à l’Algérie, il en demande la nationalité mais ne l’obtiendra jamais.

Monseigneur Claverie s’identifie totalement à cette Église algérienne pauvre, mais enracinée dans sa foi comme au sein du peuple algérien. Connu bien au-delà de la communauté chrétienne et des limites de son diocèse, il contribue à la création de la première Ligue algérienne des droits de l’homme et n’hésite pas à prendre position sur des problèmes de société, notamment de justice et de droit.

Sur le terrain politique, il ne ménage pas ses critiques à l’égard de l’accord dit de Sant’Egidio, conclu à Rome en janvier1995, entre les partis de l’opposition et le FIS. Lorsque l’on vient le menacer, il refuse de céder à la violence « Partir, ce serait donner raison à ceux qui veulent séparer les communautés. »

Ses nombreuses prises de position et interventions publiques en irritent plus d’un, dans et hors de l’Église, en Algérie, comme de par le monde, qu’il sillonne pour entretenir l’espoir du dialogue, au nom de la foi. Il prend fait et cause publiquement pour une Algérie plurielle, ouverte, fraternelle, en solidarité avec la majorité des Algériens qui, eux aussi, refusent l’enfermement de leur pays dans un islam politique intolérant.

En de multiples occasions, il s’explique sur la mort qui le menace : « Chaque moment a le goût d’une victoire sur la mort et un certain poids d’éternité ». Il sait que son assassinat serait un gros coup médiatique. Mais il préfère qu’on le vise lui, plutôt que les humbles religieux et religieuses d’Algérie.

Il court le risque de la foi : « « Quoi de plus fou que d’aller au-devant de la mort sans autre équipement qu’un amour désarmé et désarmant qui meurt en pardonnant ? » ».
Il rejette la violence et l’injustice.

Lors de la table ronde du Forum des communautés chrétiennes pour la Pentecôte 1994 à Angers, il lance un appel à la mise en œuvre d’un dialogue entre tous les étrangers que les hommes sont les uns pour les autres.

Dans un recueil, Lettres et messages d’Algérie, il rassemble des textes écrits d’octobre 1988 à novembre 1995, pour y dénoncer autant la violence que les difficiles conditions de vie de la population. Il y exprime le fondement spirituel de sa présence en terre algérienne.
Le 1er août 1996, Monseigneur Pierre Claverie est assassiné avec son chauffeur, Mohamed Bouchikhi, un jeune Algérien de 21 ans.

Cet attentat intervient quelques heures après la visite en Algérie du ministre français des Affaires étrangères, Hervé de Charette, qui s’est rendu sur les tombes des sept moines français de Tibhirine dont l’enlèvement et la mort violente en mai 1996 avaient ému l’opinion publique internationale.

Trois jours plus tôt, sur la radio RCF, l’évêque d’Oran avait exprimé sa crainte « d’une recherche d’attentat spectaculaire pour pallier les effets positifs de cette visite ». Mais face à la terreur, il expliquait : « Si nous restons en Algérie, c’est pour donner notre vie pour sauver l’avenir, plutôt que de quitter ce pays pour sauver notre vie ».

Le 27 janvier 2018, le pape François a annoncé sa décision de béatifier 19 religieuses et religieux de l’Église d’Algérie, reconnus martyrs dont les moines trappistes de Tibhirine et Monseigneur Pierre Claverie pour avoir fait le choix de rester fidèles à l’Église d’Algérie et à leurs amis et voisins algériens en dépit des risques encourus.

La béatification se déroulera à Oran le 8 décembre prochain.

Une pièce de théâtre, « Pierre et Mohamed » créée pour le festival d’Avignon 2011, rend un hommage d’amitié, de respect et de volonté de dialogue à Pierre Claverie à partir de ses textes.

Michèle Menguy
Mgr Claverie 02
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